XLV
Le vin sacré pour le poète,
Le Moët ou le Veuve Cliquot,
Vient aussitôt marquer la fête,
Servi sur glace, dans son seau.
Son Hippocrène qui pétille,
Se précipite, éclate et brille
(Semblance de nous savons quoi),
M'a plu jadis. Combien de fois
J'y fus de ma dernière obole
Pour quelques bulles. Dieu le sait,
Son jet magique produisait
Un flot si large de paroles,
Tant de délires, tant de vers,
D'envies de changer l'univers.
XLVI
Mais son écume impitoyable
Est dangereuse pour le foie,
Et du Bordeaux plus raisonnable
J'adopte désormais la loi.
L'aÿ m'accable et me tourmente,
L'Aÿ ressemble à une amante,
Brillante, vive, sans soucis,
Imprévisible et creuse aussi...
Mais toi, Bordeaux, tu es un frère,
Prêt à vous réchauffer le coeur
Dans le loisir, dans le malheur
Si le destin nous est contraire,
Pour partager notre fardeau -
Honneur à toi, l'ami Bordeaux !
Extrait 2 de la traduction d'André MARKOWICZ, chez ACTES SUD Editions, Collection de poche BABEL, page 143 à 144. Extrait 1