Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 août 2017 1 28 /08 /août /2017 19:43

 LE SENTIMENT DE LA NATURE

 

[...]

La grande question serait d'obtenir que lorsqu'un être a trompé un autre être, il soit incapable de prendre à la main un verre qui ne se brise pas aussitôt. Bien des inventeurs ont consacré leur sommeil et leurs veilles à la solution de ce problème, mais sans que jusqu'à présent aucun des verres imaginés ait présenté les qualités requises. Le fait est que si c'est l'élégance seule du verre qui permet de boire et si c'est le tremblement seul du buveur ou de la buveuse qui communique ses vibrations à la tempête toujours supposée à l'intérieur du verre vide, l'émotion de l'un ou de l'autre ne peut suffire dans la plupart des cas à provoquer l'éclatement d'une parcelle de matière transparente qui fait bombe à l'extrémité des doigts. Ces grêlons qui ont mûri dans l'inconstance et dans l'oubli ne permettent pas à ceux qui boivent de prendre l'attitude détachée des amateurs de jalousie.

[...]

Lorsqu'on observe attentivement sa propre vie on a souvent l'impression que les joies et les douleurs se maintiennent pendant un temps appréciable. Nous avons été surpris, de la rue Louis-Blanc à la rue Louis-Noir, de la durée de la période du phénomène oscillatoire : d'après nous les points brillants sont ceux où la vie est vue en raccourci.

 

Nouvelle édition enrichie - Editions SEGHERS - Collection Poésie d'abord - pages 71 à 72

Précédent   Suivant

Partager cet article

Repost0
27 août 2017 7 27 /08 /août /2017 18:23

IL N'Y A RIEN D’INCOMPRÉHENSIBLE

 

Quelle attraction a donc réuni au fond de ce gouffre, à mille mètres au-dessous du niveau de la mer, quelques-uns des plus grands criminels de notre temps ? L'endroit est frais, mais plus clair que broussailleux. Nulle inquiétude de l'avenir, nulle lumière cachée n'y appelle ceux qui recherchent à travers les paysages les grandes confidences vivantes. Une petite villa de banlieue pique entre les massifs de corail et les chants de bulles son paratonnerre et son pigeonnier près du doux épiderme de l'algue rouge. Les habitués de ce site parlent plus volontiers de haine que d'amour. Le hasard, cette année, a conduit vers cette clairière de fameux virtuoses.

[...]

Au détour de quelques sentiers, effleurant les mâts des bateaux engloutis, des paroles sans chanson se mêlent à cette atmosphère de pirates et jamais peut-être leur pouvoir ne s'est exercé avec plus de liberté. L'attraction qui a agi sur ces criminels ne doit pas être autre chose que cette pureté, ce silence de l'abîme, qui permet au langage assassin de retrouver, en quelque sorte, sa jeunesse, le point de force et d'action où il est absolument lui-même, sans que rien ne l'entrave ou ne le corrompe.

[...]

 

Nouvelle édition enrichie - Editions SEGHERS - Collection Poésie d'abord - pages 67 à 70

Précédent   Suivant

 

 

Partager cet article

Repost0
18 août 2017 5 18 /08 /août /2017 12:41

 

LA SURPRISE

 

[...]

On ne fait pas le tour de sa vie sans s'apercevoir qu'on n'a jamais rencontré ces grands fantômes aux yeux d'escarboucle qui passent dans les livres, ni frémi de trouver un soir dans ses bras la belle inconnue qu'on n'attendait pas. Les moments de panique réelle ont été courts. Les papillons, fort heureusement, ne se sont pas précipités sur nous en masse assez compacte pour nous faire tomber. Si l'hydre à têtes de femmes se tenait bien dans une pose nonchalante aux terrasses des cafés, il faut avouer que, par contre, en regardant tous les soirs sous ses meubles, on n'a guère réussi à échanger quelques mots qu'avec des bonshommes de poussière. On a pu voir en écrivant sa propre tête à travers le porte-plume, entendre le bruit du chemin de fer en secouant des pavots, toucher du doigt l'étoile de sa pierre tombale, on n'est pas parvenu à garder dans la main un poignard d'eau, ne fût-ce que pour égorger son sosie en gouttes d'eau.

[...]

 

Nouvelle édition enrichie - Editions SEGHERS - Collection Poésie d'abord - pages 63 à 65

Précédent   Suivant

Partager cet article

Repost0
17 août 2017 4 17 /08 /août /2017 19:49

LA FORCE DE L'HABITUDE

 

La table est mise dans la salle à manger ; les robinets distribuent l'eau claire, l'eau tendre, l'eau tempérée, l'eau parfumée. Le lit est aussi grand pour deux que pour un. Après le bourgeon va venir la feuille et après la feuille la fleur et après la pluie le beau temps. Parce qu'il est l'heure, les yeux s'ouvrent, le corps se dresse, la main se tend, le feu s'allume, le sourire dispute aux rides de la nuit leur courbe sans malice. Et ce sont les aiguilles de la pendule qui s'ouvrent, qui se dressent, qui se tendent, qui s'allument et qui marquent l'heure du sourire. Le rayon de soleil fait le tour de la maison en blouse blanche. Il va encore neiger, il va encore tomber quelques gouttes de sang vers cinq heures, mais ce ne sera rien. Oh ! j'ai eu peur, j'ai cru tout à coup qu'il n'y avait plus de rue devant la fenêtre, mais si, elle est là. Le droguiste est même en train de lever son rideau de fer. Il y aura bientôt plus de monde à la roue qu'au moulin. Le travail se taille, se forge, s'amenuise, se calcule. La main retrouve avec plaisir dans l'outil familier la sécurité du sommeil.

Pourvu que cela dure !

Le miroir est un merveilleux témoin, sans cesse variant. Il dépose avec calme, avec force, mais quand il a fini de parler, on s'aperçoit qu'il s'est repris sur tout. C'est la personnification courante de la vérité.

[...]

L'amour, à la longue, se passe si bien d'y voir clair la nuit.

Quand tu n'es plus là, il y a ton parfum qui me cherche. je n'arrive à me faire rendre que l'oracle de ta faiblesse. Ma main dans ta main ressemblait si peu à ta main dans ma main. Le malheur, vois-tu, le malheur lui-même gagne à être connu. Je t'avais reçue en partage, tu ne peux pas n'être pas là, tu es la preuve que j'y suis. Et tout est conforme à cette vie que je me suis faite pour m'assurer de toi.

- A quoi penses-tu ?

- A rien.

 

Nouvelle édition enrichie - Editions SEGHERS - Collection Poésie d'abord - pages 61 - 62

Suivant

Web : 

"L'Immaculée conception" de Paul Eluard et André Breton lu par Guillaume Gallienne

Kamasutra littéraire par André Breton et Paul Eluard

http://www.andrebreton.fr/ : L'immaculée Conception

L’esthétique de la folie au sens « sur-réaliste » et sa dynamique dans l’espace de l’écriture

 

Partager cet article

Repost0
6 août 2017 7 06 /08 /août /2017 20:47

La mort n'est point notre issue

Car plus grand que nous

Est notre désir, lequel rejoint

Celui du Commencement,

              Désir de vie

 

La mort n'est point notre issue

Mais elle rend unique tout d'ici :

Ces rosées qui ouvrent les fleurs du jour

Ce coup de soleil qui sublime le paysage

Cette fulgurance d'un regard croisé

              et la flamboyance d'un automne tardif

Ce parfum qui assaille et qui passe insaisi

Ces murmures qui ressuscitent les mots natifs

Ces heures irrédiées de vivats, d'alléluias

Ces heures envahies de silence, d'absence

Cette soif qui jamais ne sera étanchée

              et la faim qui n'a pour terme que l'infini...

 

Fidèle compagnon, la mort nous contraint

A creuser sans cesse en nous

              pour y loger songes et mémoires

A toujours cruser en nous

               le tunnel qui mène à l'air libre

Elle n'est point notre issue

Posant la limite

Elle nous signifie l'extrême

          exigence de la Vie

Celle qui donne, élève

          déborde et dépasse

 

Edité chez Albin Michel, collection Espaces libres. Extrait page 191-192

Précédent

Partager cet article

Repost0
5 août 2017 6 05 /08 /août /2017 21:53

L'immense nuit du monde

Semée d'étoiles

Prendrait-elle jamais sens

Hors de notre regard ?

 

Et l'immonde de notre nuit

Trouée de cris

Susciterait-il jamais écho

Hors de notre écoute ?

 

Edité chez Albin Michel, collection Espaces libres. Extrait page 187

Précédent   Suivant

Partager cet article

Repost0
4 août 2017 5 04 /08 /août /2017 19:50

Depuis si longtemps

Nous avons accepté l'endurable

A seule fin de durer

Nous nous complaisons dans l'abîme

Plaisantant, devisant

               à l'abri de la frayeur sans visage

 

Que soudain

             nous étrangle le monstrueux

Et nous aspirons

A nous arracher du fond

A gravir les degrés de l'ombre

A gagner le dehors

              par l'unique brèche offerte

 

A dévisager enfin l'aveuglant :

               notre propre face calcinée

 

Edité chez Albin Michel, collection Espaces libres. Extrait page 183

Précédent   Suivant

Partager cet article

Repost0
3 août 2017 4 03 /08 /août /2017 21:19

Quand le lac s'offre paume ouverte

           dans le miroir du matin

Source rejoignant embouchure

            flux et reflux confondus

Nous jetons sans remords nos parures

Au coeur des ondes diaprées

                                               que fracasse l'aile d'une mouette

Pour que rejaillisse le regard de l'instant

Pour que soit enfin

           - l'averse ayant lavé les reflets -

Révélé le visage

 

Edité chez Albin Michel, collection Espaces libres. Extrait page 171

Précédent   Suivant

Partager cet article

Repost0
2 août 2017 3 02 /08 /août /2017 21:35

 

Consens à la brisure

C'est là que germera

Ton trop-plein de crève-coeur

Que passera un jour

A ton insu                     la brise

 

Edité chez Albin Michel, collection Espaces libres. Extrait page 169

Précédent   Suivant

Partager cet article

Repost0
31 juillet 2017 1 31 /07 /juillet /2017 19:43

Ne laisse en ce lieu, passant

Ni les trésors de ton corps

Ni les dons de ton esprit

Mais quelques traces de pas

 

Afin qu'un jour le vent fort

A ton rythme s'initie

A ton silence à ton cri

Et fixe enfin ton chemin

 

Edité chez Albin Michel, collection Espaces libres. Extrait page 165

Précédent   Suivant

Partager cet article

Repost0

Présentation

  • : Le blog d'Alexlechti
  • Le blog d'Alexlechti
  • : Partager des lectures et des films
  • Contact