Une voix (1956) - Chansons sur porcelaine
COMPLAINTE DES FEES
Nous vivons des contes de fées
Rouges verts qui pincent le coeur
Notre mystère est bien surfait
Mais elle est vrai notre douleur.
Bel oiseau de la nuit
Belle armée de la pluie
Belle ombre de l'ennui
Bel œil noir de mon puits
Sommes belles de nuit.
Nous savons charmer les orvets
Tirer carrosse d'une fleur
Nous sommes les filles d'Orphée
Mais notre mère est la douleur.
Bel oiseau de la nuit
Belle armée de la pluie
Belle ombre de l'ennui
Bel oeil noir de mon puits
Sommes belles de nuit.
Nous jouons à des jeux secrets
Où tout le temps l'on perd l'on pleure
Nos yeux sont neiges sans regrets
Mais que brûle notre douleur.
Bel oiseau de la nuit
Belle armée de la pluie
Belle ombre de l'ennui
Bel oeil noir de mon puits
Sommes belles de nuit.
Nos confidents sont feux follets
Pauvres et laids nés de la peur
N'avons pour amants que reflets
Mais elle est vraie notre douleur.
Bel oiseau de la nuit
Belle armée de la pluie
Belle ombre de l'ennui
Bel oeil noir de mon puits
Sommes belles de nuit.
Dès que s'étirent les volets
Sur les chaumières du bonheur
Nos pas s'effacent dans les blés
Mais elle est là notre douleur.
Bel oiseau de la nuit
Belle armée de la pluie
Belle ombre de l'ennui
Bel oeil noir de mon puits
Sommes belles de nuit.
nrf - Collection Poésie/Gallimard (n°187) - Editions Gallimard - 2008 - pages 98 à 100